Matthew somnolait. Aujourd'hui, c'était le jour onze ans, mais, sans savoir pourquoi, il ne voulait pas se lever. C'était le moment qu'il attendait depuis des années entières, et il restait à moitié endormi, dans son lit, à rêver d'histoires impossibles comme il aime par habitude le faire les jours fériés.
Il regarda brièvement l'horloge électronique à ses côtés. Déjà dix heures. Le temps passe rapidement quand on fait marcher son imagination, pensa t-il. Il expira une grande quantité d'air, et se redressa. Pendant dix bonnes secondes, il resta dans cette position, avant d'enfin sortir les pieds du lit, d'un geste mécanisé.
Il jeta un rapide coup d'œil à la pièce qui l'entourait, comme chaque matin, pour vérifier que le chat n'était pas entré incognito et avait foutu le bordel partout.

Il fixa un instant son livre de chevet: « Harry Potter: analyses et conclusions sur la vie mouvementée du plus grand des sorciers ». Bientôt, il marchera dans les pas de son idole. Harry Potter, le personnage avec qui il a grandit. Depuis que son père lui avait raconté cette fabuleuse histoire, il ne vivait plus que pour ça, au grand désespoir de sa mère qui avait toujours voulu le voir travailler dans un département du Ministère ennuyeux, comme celui des Créatures Magiques, de la même façon qu'elle. Mais non. Matthew rêvait grand. Auror, c'était ce sa seule ambition, et pour rien au monde cela changerait.
Il se rappelait la fois où il avait rencontré Harry Potter, le jour où celui-ci était passé au Ministère, lieu de travail de la mère de Matthew qui l'avait emmené car la nounou souffrait d'une fâcheuse grippe. L'homme était passé dans l'Atrium d'un pas pressé, sous quelques acclamations de la foule. Matthew l'avait reconnu de loin: ce visage fin, ces yeux d'un vert étrange, cette tignasse d'un noir clinquant, et surtout cette cicatrice, qui était devenu son symbole.

Matthew enfila ses vêtements. L'aout était encore à la plus chaude période de son règne, mais il mit un vieux sweat à manches longues. Il l'avait déjà mis hier, et le jour d'avant, d'où l'odeur immonde qui échappait de ses dessous de bras. Prenant soin de se peigner vaguement, il sortit de sa chambre.
Matthew était plutôt beau garçon, sans être irrésistible, il se « défendait », comme disait Daniel Corbett, le seul sorcier de son âge du coin, et par conséquent, son seul véritable ami. Matthew possédait une chevelure brune, mais pas d'un brun normal, plutôt un brun qui virait sur le noir. Il tenait cette couleur de son père, sa mère étant blonde.
Ses yeux étaient aussi marrons, ça, c'était encore une fois son père, personnage duquel il tenait la plupart de ses caractéristiques physiques, de la taille moyenne à la pilosité précoce.

Matthew ne s'était pas rendu compte qu'il venait d'arriver en haut des escaliers. D'un pas nonchalant, il descendit les marches unes à unes.

- C'est toi, mon chéri ?

Sa mère. Avec ses éternelles expressions de couveuse endommagée. Elle travaillait depuis la fin de ses études au Ministère, au Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques, le job le plus ennuyeux qui puisse exister, du fait qu'elle ne s'occupait que des Lombrics, catégorie qui compte seulement deux espèces magiques. Elle était blonde et élancée, surement la seule et unique raison pour laquelle Samuel Harper avait épousé Tracy Donovan, vu que ce n'était ni pour son travail, ni pour son salaire, ni pour son Q.I..

Jude arriva en courant comme un fou vers Matthew et l'arrosa avec une vieille baguette à eau. Jude était le frère de Matthew, de deux ans plus jeune que son aîné, il en faisait bien plus du fait qu'il faisait la même taille que son grand frère. Il était le portrait tout craché de celui-ci en fait, ainsi, des étrangers les confondaient facilement.

- C'est lui, maman ! C'est lui ! gueula Jude.
- Ferme-là, un peu, se lamenta Matt en réponse aux cris débiles de son jeune frère.
- C'est toi qui va la fermer! gloussa Jude en arrosant Matt une seconde fois.
- Arrêtez vous deux ! s'exclama Tracy.

Elle venait d'apparaître dans l'encadrement de la porte qui menait à la cuisine. Puis, brusquement, un grand sourire apparut sur son visage et elle s'approcha les bras grand ouverts de son fils, qu'elle enlaça contre son grès.

- Joyeux Anniversaire, mon poussin.

Matthew lançait un regard noir à Jude qui était écroulé de rire derrière sa mère.

- Où est papa ? demanda Matthew, une fois l'étreinte terminée.
- Il est dix heures ! Il est partis il y a plus d'une heure ! On t'a attendu mais on osait pas te réveiller !

Samuel Harper travaillait comme coprésident de la société Brossdur, en plein essor depuis le déclin de Nimbus après le très mauvais résultat du Nimbus 2011. Brossdur avait repris du poil de la bête et s'apprêtait à sortir le très attendu « Brossdur des Étoiles », un nom complètement ridicule, avait même avoué Samuel.

- Viens voir tes cadeaux ! proposa Tracy.

Jude et Matthew la suivirent jusque dans la cuisine. Là se trouvait une dizaine de cadeaux. Tracy prit l'un d'eux au hasard et le tendit à Matt. Il déballa l'objet. C'était une boîte. Une boîte rouge, sans aucune ouverture. C'était même plutôt un cube.

- C'est de William et Paula, commenta sa mère.
- Qu'est-ce que c'est ? s'étonna Matt.

Tracy lui prit la boîte et la regarda sous différents angles.

- Aucune idée ! Faudra leur demander ! Oh regarde ! Y a un mot avec !

Elle pointait du doigt un papier qui était resté dans le paquet. Matthew le prit et lut:
« Le soleil levant ne vaudra jamais la lune couchante. Seigneur, que ton règne arrive ».
Matthew leva les sourcils et tendit le papier à sa mère, au même moment où son frère commençait à déballer le cadeau suivant. L'aîné le lui arracha et des mains et observa le livre qu'il tenait entre ses doigts.

- De qui s'est ?
- William a pété un cab...Hein ? Euh...C'est de ton grand-père.
- Grand-père Harper, j'imagine.
- Oui, ça semble évident.

Le père de Tracy était illettré. « Ma vie de sorcier », d'Augustus Merlavic. Matthew ne prit même pas la peine de lire le résumé. Il savait déjà que ce livre resterait pour toujours sous son lit. Dans trois siècles, un archéologue le déterrera, et il sera exposé dans un Musée. C'est le meilleur destin qu'il puisse lui offrir.
Les cadeaux suivant n'eurent aucun réel intérêt: ses grands-parents du côté de sa mère lui offrirent des vêtements, la plupart des autres avaient opté pour des fournitures pour sa rentrée à Poudlard, même ses parents. Dans le paquet de son frère se trouvait une feuille de papier où la phrase « Je t'aime bien » était écrie en gros avec deux ou trois petits dessins enfantins autour, tels que des cœurs ou des soleils.

- Tu l'afficheras dans ta chambre à Poudlard ? murmura Jude.
- Ferme-là où je te le fait bouffer, répliqua Matthew.
- Maman ! gémit Jude avec un rictus. Matt y veut pas afficher mon dessin au dessus de son lit !
- Jude, tu l'afficheras, hein ? répondit Tracy, avec un de ces airs de « J'en ai rien à ficher ».

Matthew prit son petit déjeuner, et, en ayant assez de son frère, se décida à sortir. Il ouvrit la porte et commença à se diriger vers le trottoir. Daniel se dirigeait vers lui, un paquet dans la main. Matt le dévisagea. Son ami arriva près de lui et protesta:

- T'étais où ? Je t'attends depuis trente minutes, moi !

Il lui tendit le paquet.

- Tiens, bon anniv'.
- Pourquoi tu m'offre un cadeau ? rétorqua Matthew.
- Bah...c'est ton anniv', non ?
- Ouais, mais ça fait un peu...comment dire...enfin tu vois, quand un garçon offre un cadeau à un autre garçon, on a l'impression qu'ils sont...enfin voilà.
- T'es homophobe ? s'exclama Dan.
- Non. Mais je ne suis pas gay !

Daniel Corbett était né d'un père sorcière et d'une mère moldue. Il était blond, et était un peu simplet. Matthew le soupçonnait depuis un bout de temps d'être gay, mais se disait finalement qu'il était encore un peu jeune pour connaître déjà ses orientations sexuelles.
Les deux jeunes hommes s'étaient rencontrés lors d'un repas au Ministère, où le père de Daniel travaillait comme Conseiller aux Sports Magiques.

- Bon...on fait quoi ? coupa Dan, gêné.
- Qu'est-ce que tu veux faire ? Exposa Matt. On est en banlieue Londonienne, je te rappelle, y a rien à faire ici.
- Oui, m'enfin...Bon, O.K. Tu veux qu'on aille voir les Moldus ? T'as été acheter ta baguette ou pas ?
- Pas encore, j'y vais demain. C'était mon anniversaire, mes parents ont reporté.
- Regarde...chuchota Dan en sortant à moitié sa baguette de sa poche.

Matthew jeta un coup d'œil.

- Ventricule de dragon, épicéa, souple, ça va tuer !
- Oui, si t'es premier de la classe, on pourra dire ça. Donc tu veux aller t'entraîner sur les zonards ? Tu sais t'en servir au moins ?
- Ouais...Je sais faire des étincelles avec. Regarde.

Il agita frénétiquement le bout de bois dans tous les sens. Des maigres braises colorés sortirent de la baguette.

- Ouais, avec ça, t'as plus l'air d'un mongole que d'un grand sorcier, je te rassure, grommela Matthew. Bon, c'est pas tout ça, mais je vais devoir y aller. A plus !
- Tu vas où ? demanda Dan.
- Quoi ? Tu veux me la tenir ? meugla Matt.
- Non, ça ira. A plus !

Matthew poussa la porte de la maison et soupira. Il aimait de moins en moins Dan et le considérait de plus en plus comme un boulet. Dès son entrée à Poudlard, c'en sera finit de leur relation amicale. Il lui faut trouver des amis intelligents et forts, comme Ronald Weasley et Hermione Granger, deux génies.
Jude courait dans tous les sens, comme à son habitude. Encore plus que ce que la rentrée va lui faire comme choc par rapport au fait d'être séparé de ses parents, Matt redoutait le moment où le temps sera venu à Jude d'entrer à Poudlard. Au fond de lui, il avait toujours espérer que Jude soit un cracmol. Mais ce n'était malheureusement pas le cas.
Matthew s'assit sur une chaise de la table à manger. Il en pouvait plus. A peine onze ans et il était déjà crevé de la vie. Il attendait avec impatience d'entrer à Poudlard, mais c'était encore dans trois jours. Soixante-douze heures à attendre, et ce sera la belle vie. Sept ans de bonheur, et ensuite, devenir le collègue d'Harry Potter. Soixante-douze heures, et il deviendra la réincarnation de son héros. Il va tout faire pour suivre ses pas: Aller à Gryffondor, entretenir de mauvais liens avec les Serpentard quels qu'ils soient, mettre tout le monde à ses pieds, et devenir une légende de l'école par tous les moyens qu'il faudra.

Voilà ce qu'il va faire.